Importante parure constituée de 163 perles tubulaires biconiques en cornaline enfilées en deux colliers séparés. Chaque perle a une longueur impressionnante (entre 5,5 cm et 9 cm pour le grand collier et entre 4,8 cm et 7,8 cm pour le petit collier) et a été soigneusement percée de chaque côté.
Sumer
circa 2300-2000 avant JC
Cornaline rouge
Length 84 cm ( 33 1⁄8 in )
Width 10.2 cm ( 4 in )
Ancienne collection Mme Silvana Bernhard Rüschlikon, Suisse, acquis en 1989
Identity, beauty, rank and prestige, Necklaces from Sumeria to Hawai, Parcoures des Mondes, Paris 2005
A. Benoit: Les Civilisations du Proche Orient ancien, Manuels de l’Ecole du Louvre, Paris 2003
Mohenjo-daro Museum, MM1435
En Mésopotamie ou Iran, très peu de colliers composés de ces grandes perles biconiques, ainsi que quelques perles seules, ont été découvert. Il s’agissait des objets de grand luxe, des cadeaux de perles très précieux à l’unité à de très haut personnages, dont les bijoux des « Tombes royales » d’Ur apportent les plus magnifiques témoignages de ces productions.
Parmi les premières grandes civilisations, celles de l’Égypte ancienne et de la Mésopotamie antique ont toujours attiré beaucoup d’attention. D'une part, cela est compréhensible en raison de la proximité spatiale avec les premiers centres de recherche en Europe, mais cela s'explique également par le fait que ces grandes cultures se sont révélées être le berceau de notre propre civilisation occidentale.
La civilisation de la vallée de l’Indus fait partie de ces grandes cultures qui n’ont attiré l’attention des chercheurs relativement tard. Malgré des découvertes individuelles déjà connues, une connexion n’a été établie que depuis les années 1920. En termes d'évaluation chronologique approximative, il était avantageux que la recherche sur la civilisation de la Mésopotamie soit déjà bien avancée à cette époque. Des objets trouvés lors des fouilles en Mésopotamie ont pu être attribué à la civilisation de l’Indus, permettant ainsi une datation.
Dans les fouilles mésopotamiennes, sont apparus essentiellement des objets de petite taille et d’origine individuelle: des sceaux qui, en plus des figures inhabituelles pour la Mésopotamie, comportaient des caractères de l'écriture cunéiforme de l'Indus, et de grosses perles en cornaline généralement décorées de lignes blanches gravées. Cette technique de décoration inconnue en Mésopotamie a été attestée dans l'Inde antérieure. Un peu plus tard, des perles ainsi décorées ont également été trouvées lors de fouilles menées dans la région de l'Indus.
Ces perles en cornaline ont été découvertes dans les tombes du « cimetière royal » d'Ur, où de nombreuses preuves de relations avec des pays étrangers ont été trouvées, ainsi qu’un grand nombre de perles, d’incrustations et de petites œuvres d’art en lapis-lazuli, une pierre semi-précieuse importée de la région du Baloutchistan, dans l’actuel Afghanistan.
“La cornaline servit à la fabrication de parures dès le VIème millénaire avant J.C. Elle devint un signe extérieur de richesse à l’époque de l’urbanisation, dans une société qui en se hiérarchisant développa le goût du luxe et de l’ostentation. A partir de 2600 avant J.C, elle fut fréquemment associée à l’or et au lapis-lazuli. La cornaline appartient à la famille des calcédoines, dont les plus importantes formations se trouvent en Inde. Elle fut surtout employé dans la fabrication des perles. Les plus raffinées d’entre elles, présentées dans ce collier, proviennent d’ailleurs de l’Indus, ancien pays de Meluhha. Elles étaient de forme légèrement biconique, ou parfois tubulaire, et pouvaient atteindre et même dépasser 12 cm de longueur.
Leur fabrication, très complexe, fut de courte durée et se limita à quelques ateliers tels que Mohenjo Daro, Harappa, Lothal et surtout Chanhu Daro. L’actuel atelier de Khambhat (Cambay) a permis de reconstituer les étapes de cette production. La cornaline est recueillie dans des terrasses fluviatiles sous forme de galets. Après une longue période de séchage, les galets, sont regroupés dans des pots en terre et soumis à des chauffes successives de 200 à 300 ° par période de 24 ou 48 heures. Au cours de ces chauffes, la pierre acquiert un grain plus fin et modifie sa couleur initiale par oxydation des particules de fer qu’elle renferme, jusqu’à atteindre le rouge ou l’orange intenses sous lesquels elle est connue. Ensuite les galets sont dégrossis par percussion puis l’ébauche est abrasée avec des meules qui donnent la forme définitive. Reste alors à affronter l’étape la plus délicate, celle du percement. C’est en effet le moment où la perle risque de casser. Bloquée dans un cadre, elle est perforée à chaque extrémité par un foret à archet. Les deux conduits ne se rejoignent d’ailleurs pas toujours parfaitement. Après chacune de ces interventions, la cornaline est remise à chauffer. Enfin la perle est soumise au lustrage et de polissage soit dans des outres en cuir soit sur le polissoir à archet.
Ces longues perles en cornaline n’existent que par centaines, du fait de leur technologie sophistiquée, alors que les petites sont connues par milliers. Les plus belles devinrent la propriété de hauts personnages qui y firent parfois graver une inscription.
La civilisation de l’Indus excella également dans la fabrication de perles de cornaline à décor blanc, obtenu par l’application d’une pâte en carbonate de soude qui, chauffée, décolore la surface.
Ces deux types de perles exclusivement originaires de l’Indus témoignent des relations qui ont pu exister entre l’ancien pays de Meluhha et les mondes mésopotamien et iranien, à partir de 2600 avant J.C.”
Agnès Benoit, spécialiste des Civilisations du Proche Orient ancien et auteur du Petit manuel de l’école du Louvre des Civilisations du Proche Orient ancien.